Il reste tant d’un père

CarnetdeMarseille

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Le regard bleu azur, le rire aux larmes parfois, la voix claire et grave, la sévérité portée en héritage, l’inévitable égoïsme d’un enfant unique, l’irrésistible appétence pour le chocolat, le fredonnement sans relâche, l’authentique vénération de Jean-Sébastien Bach, la constante aversion pour les possédants, la conscience incarnée de l’exploitation et de la lutte des classes, le constat douloureux de l’échec du communisme, l’addiction profonde à la lecture, la passion pour l’Histoire, le regret éternel de n’avoir pu l’enseigner au lycée comme il  en rêvait, car fils de pauvres, le dévouement de l’instituteur à ses élèves, le souci aigu de transmettre, l’amour sans bornes pour Marseille, la fierté intacte de son sang suisse, le penchant affirmé pour la mélancolie, l’attrait immodéré pour le mimosa, l’absence totale de peur de la mort, et tant et tant d’autres éclats de lumière et de mémoire qui me traversent et continuent de m’accompagner en silence…

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Réfugier tous les livres

Un cahier rouge

C’est un petit livre jaune qui tient dans la paume de la main, dans la poche d’un manteau si on a les mains déjà prises. Marielle Macé y parle de Walter Benjamin et ses mots m’ont parlé. En rejoignant ce que j’affronte ils ont résonné plusieurs jours. Quand elle raconte à quelle intensité Benjamin avait ressenti très tôt, tout jeune homme, « le besoin intérieur de posséder une bibliothèque.» Sidérer, considérer – Migrants en France. C’est le titre du livre, paru en août 2017 aux éditions Verdier qui sont chères à mon cœur. Dans un carnet, je recopie les phrases qui parlent des livres de Benjamin.

« Emballer et déballer sa bibliothèque, Benjamin y a consacré bien des pages, et bien des jours; il a connu cela beaucoup de fois dans sa vie, et de façon de plus en plus dramatique, depuis son émigration à Paris en 1933 lorsqu’il a…

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Au pays des journalistes assassinés et des femmes qui se battent

Un cahier rouge

La colère qui m’héberge est une maison dans la maison.

La première phrase n’est pas de moi. J’avoue. Ce sont les mots que lance Marie Huot au commencement d’un poème, dans Ma maison de Géronimo. La dernière phrase non plus n’est pas de moi. Je l’ai encore volée, deux pages plus loin dans le même livre.

En revenant d’Istanbul j’étais perdu dans ma ville, une petite ville au sud du pays des fausses paroles politiques, au nord de la Camargue devenue un refuge. Pour effacer la puanteur des mille paroles électorales, celles qui macèrent en pourrissant tous nos journaux-radios-écrans, j’avais besoin de marmonner des poèmes dans ma tête et d’aller voir s’envoler les oiseaux. Loin des mots contaminés, dans le silence des salines et des digues face à la mer. Parce que j’étais vraiment perdu. Dans ma ville je ne savais plus le nom des rues. Et dans les…

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Désespoir – Marcel Camus

MOTS LIÉS

[le désespoir est un marais
 il immobilise l’esprit de l’homme
bien mieux qu’une prison]

Dans Combat du 25 novembre 1948 Albert Camus écrivait

C EST CELA QUE JE NE PUIS PARDONNER-letex-1

(Lire)


J’ai toujours pensé que si l’homme qui espérait dans la condition humaine était un fou, celui qui désespérait des événements était un lâche. La violence est à la fois inévitable et injustifiable, c’est cela que je ne puis pardonner à la société politique contemporaine : qu’elle soit une machine à désespérer les hommes.

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Tenir…

Le vent qui souffle

(Récit en cours d’écriture)

     Écrire le paragraphe précédent m’a pris exactement trois jours. Le décalage est total entre la violence des émotions qui me secouent et la retenue à laquelle je m’oblige dans la rédaction de ce récit… La vérité est que ma mémoire me repasse en boucle des scènes atroces et que je ne le supporte pas… J’utilise les mots comme rempart, chacun d’eux est un bouclier que j’utilise pour me protéger d’une réalité monstrueuse… Luc a mille fois raison, je n’ai jamais fait que fuir et me mentir, mais ce qui était inconséquent hier devient aujourd’hui pour moi une nécessité pour ne pas m’effondrer… Luc fuit à sa façon dans une agressivité contagieuse qui devient préoccupante. Hier, il s’en est pris à Louis parce qu’il ne supporte plus de l’entendre jouer du piano. Il a brandi sa hache en menaçant de briser l’instrument pour en faire du bois…

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Qu’est-ce qu’une ligne d’existence?

existences!

Qu’y a-t-il s’il n’y a rien ?

Des lignes partout, des lignes en tout sens :

les lignes d’existence.

Car qu’est-ce qui existe, si toutes les choses ne sont rien?

Seulement leurs limites.

Car quel

peut bien être le sens

de ses limites que nous traçons partout,

entre ce qui n’existe pas et ce qui n’existe pas,

sinon de tracer la ligne d’une

existence possible ?

–   La ligne du temps : notre existence est successive, comme une trajectoire sauve par la fuite.

–   La ligne des limites : toutes les choses se bornent dans l’espace, selon des interstices où nous traçons nos trajectoires.

–   La ligne de la lumière, que le soleil, fortuitement, pose sur la peau des choses.

–   Les lignes du langage, en un filet, en un réseau qui rend le rien habitable.

–   La ligne de nos mots, qui articule nos trajets en une biographie, un livre que la mémoire peut…

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Elle te dit

CarnetdeMarseille

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Doigts glacés
yeux caramel
elle te dit qu’elle vit du côté de la mort
du côté de tous ceux
pour qui le ciel un jour s’est obscurci
elle dit que sa vie
ne pèse pas plus
qu’à l’aube, la griffure d’un moineau
sur la terre gelée des parcs et des jardins
elle dit que nos vies éparpillées
s’enfoncent à petits pas
chaque jour un peu plus
vers le silence éclaboussé de villes rasées
de rues vidées de leur sang
de maisons débarrassées de leur chair
de femmes, d’hommes et d’enfants dévastés

elle dit que pourtant
alors qu’approche le chaos
plus personne ne crie
nulle part
elle dit aussi que malgré l’horreur
nulle part où aller hurler et puiser une espérance

sans voix tu regardes ses lèvres pourpre
souffler vers toi chaque syllabe
à la trace tu suis ses mots
traverser son âme
danser sur ses dents enfantines
et percer ton…

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Comme horizon, l’éternité…

Le vent qui souffle

     Les Vases communicants sont des échanges croisés de textes et d’images entre sites ou blogs imaginés par François Bon (Tiers Livre) et Jérôme Denis (Scriptopolis), qui ont lieu chaque premier vendredi du mois. Leur animation et la collecte des textes sont assurées par Marie-Noëlle Bertrand  après l’avoir été pendant de longues années par Brigitte CélerierpuisAngèleCasanova. Marie-Noëlle m’a proposé de très belles photos entre lesquelles je n’ai pas pu choisir et qui ont chacune guidé mon envie d’improviser avec elle sous la forme de septains vers de lointains horizons. Je remercie Marie-Noëlle pour la publication de mon texte sur son blog et j’accueille ici le sien avec une profonde amitié.

***

oiseaux-noirs

E ntretenir en soi, comme merveilles,
toutes les couleurs, harmonie du monde,
la lueur d’or des couchers de soleil,
des nuages cendrés le cri dans l’onde.
la clarté au bout de…

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